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SOLIDARITE N° 6
Un procès ? Mode d'emploi
Solidarité DES a interviewé Anne Sourcis, avocate :
Est-il utile d'engager une action contre le laboratoire qui a fabriqué le distilbène?
Anne Sourcis : Cela me paraît tout à fait nécessaire. D'abord pour faire uvre de citoyen responsable et ensuite parce que tout préjudice mérite réparation.
Chacun doit assumer ses responsabilités et si le laboratoire n'a pas pris les précautions nécessaires, il est normal que les victimes puissent obtenir de sa part une réparation.
S.DES : Quelles chances de succès a cette action ?
AS : Pour le moment, il est un peu difficile de répondre à cette question. Les premières actions sont en cours devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre mais n'ont pas encore été jugées.
Nous avons toutefois d'excellents éléments dans notre dossier.
Nous disposons d'études très sérieuses réalisées tout d'abord aux Etat-Unis pour les plus anciennes puis, plus récemment en France, qui établissent, même si elles sont contestées par d'autres, le lien qui existe entre l'exposition in utero au distilbène et les diverses affections dont souffrent les victimes.
Nous avons, pour les procès, réuni une bibliographie très importante. Nous avons été aidés en cela par les confrères américains qui ont déjà engagé des actions et ont obtenu de forts bons résultats et par Madame KUNESCH, Directeur de Recherches à l'université Descartes à Paris, qu'il faut particulièrement saluer pour ses recherches.
L'envoi d'une documentation par le Ministère de la Santé à tous les gynécologues de France pour les alerter sur les éventuelles conséquences de l'exposition au distilbène in utero démontre à l'évidence que les conséquences de cette exposition sont prises au sérieux par les autorités de santé de notre pays.
La mission confiée aux experts semble laisser penser que le tribunal tiendra comptes des connaissances médicales que pouvait avoir le laboratoire lorsque le distilbène était prescrit pour éviter les avortements spontanés, c'est-à-dire jusqu'en 1977.
S.DES : Quels documents faut-il fournir pour engager cette action ?
AS : il faut tout d'abord essayer de retrouver les ordonnances qui ont été délivrées à votre mère. Si vous ne les avez plus, demandez au médecin qui a prescrit de délivrer un certificat qui précisera bien de quel produit il s'agissait, soit distilbène, soit Stilboestrol-Borne.
Celui-ci peut être réticent, craignant sa responsabilité engagée. Or, la procédure concerne le laboratoire fabricant et non pas un médecin en particulier. Nous avons besoin de la collaboration des médecins : ces ordonnances qui constituent pour nous une preuve déterminante et nous n'avons aucune intention d'engager une action contre eux. Ils appelleraient en effet le laboratoire en garantie et cette action serait donc vouée à l'échec.
L'expérience a démontré qu'il a été possible dans quelques cas de retrouver non pas les ordonnances initiales mais par exemple une lettre que le médecin généraliste ou le gynécologue avait adressée à un autre médecin en indiquant la posologie qui avait été prescrite à sa patiente. Ce peut être un moyen de prouver que le distilbène a été administré à votre mère pendant sa grossesse.
Vous pouvez demander au pharmacien qui a délivré le distilbène et qui a reporté la prescription sur son registre, de bien vouloir produire soit un certificat, soit un extrait de ce registre. Si le médecin ou le pharmacien refuse de les délivrer, une procédure permet au Juge d'ordonner la production de ceux-ci.
Vous devez aussi produire un certificat médical de votre médecin traitant ou du médecin spécialiste que vous avez consulté, qui décrira de façon très précise les affections dont vous souffrez et qui sont liées à l'exposition au distilbène in utero.
S.DES : Où en sont les procédures actuelles ?
AS : Nous avons actuellement quatre affaires qui sont engagées devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre.
Deux victimes ont engagé une action. A notre demande, une expertise a été diligentée et confiée à un collège d'experts chargé d'examiner les victimes, ainsi que de donner son avis sur l'état des connaissances médicales sur le DES dans les années qui ont procédé les grossesses des mères des victimes.
Cette expertise est actuellement en cours. La bibliographie a été réunie par les experts, les traductions nécessaires ont été faites et il semble que les experts aient terminé ce travail très long et très important de réunion de la bibliographie.
Ils entreprennent à l'heure actuelle l'examen physique des victimes et de leur dossier médical.
Quand le rapport d'expertise aura été déposé, nous reviendrons devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre pour demander réparation du préjudice.
Les frais d'expertise ont été avancés par le laboratoire, les frais pour les victimes sont donc pour le moment extrêmement limités.
Deux autres victimes ont engagé une action et nous avons également demandé pour elles la désignation du même collège d'experts.
S.DES : Combien de temps pensez-vous qu'il soit nécessaire pour que les actions puissent aboutir ?
AS : Il est très difficile de répondre sur ce point mais comme je le disais précédemment, le travail de collecte de la bibliographie a été maintenant réalisé et les actions judiciaires qui seront désormais engagées, bénéficieront de ce travail , il nous sera beaucoup plus facile d'obtenir la désignation d'un expert.
Celui-ci devrait alors avoir pour seule mission d'explorer la bibliographie déjà réunie et d'examiner les victimes. Les procédures seront donc plus rapides que pour les précédentes affaires.
Cependant, il faut prévoir que l'une ou l'autre des parties relèvera a coup sûr appel de la décision et que l'affaire viendra devant la Cour d'Appel de Paris.
Un délai de trois ans me paraît donc raisonnable pour les actions qui seraient à engager maintenant.
S.DES : Quels est le coût d'une action judiciaire ?
AS : il est difficile de répondre sur ce point car nous connaissons mal les développements que pourrait prendre cette affaire.
En ce qui concerne les affaires en cours, les frais étaient strictement limités aux honoraires d'avocat puisque ceux d'expertise ont été mis à la charge du laboratoire.
Ces premières victimes ont cependant dû engager des frais de traduction très élevés.
Ces travaux étant désormais réalisés, ils ne seront plus à renouveler.
En ce qui concerne les honoraires d'avocat, il est possible de signer une convention d'honoraires permettant de verser des provisions limitées et autorisant l'avocat (dans un cadre fixé par le Conseil de l'Ordre) de percevoir un pourcentage sur les dommages et intérêts qui seront alloués au terme de la procédure.
Les tribunaux accordent toujours au cas où la victime obtiendrait satisfaction, une large contribution aux frais du procès.
Pour les personnes justifiant de faibles ressources, il est possible d'obtenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Chaque dossier est individuel et comporte des données particulières. L'avocat peut à chaque fois donner une fourchette d'honoraires permettant de savoir clairement au fur et à mesure du déroulement de la procédure, le montant des honoraires.
Il ne faut jamais qu'une question d'honoraires vous empêche d'engager une action en responsabilité contre le laboratoire si tel est votre souhait.
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SOLIDARITE N° 21
PROCES CONTRE LES FABRICANTS
DU DES EN EUROPE
En l'absence de Maître Anne Sourcis, son associée, Maître Martine Verdier, avocate au barreau d'Orléans et aussi avocate conseil de l'association a bien voulu répondre à nos questions.
HISTORIQUE DU DOSSIER
Dans un premier temps, et sur la base de documents recensés par les victimes, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre charge un collège d'experts de réunir une bibliographie et de donner son avis sur l'état des connaissances médicales sur le DES dans les années qui ont précédé les grossesses des mères des victimes.
Il s'agissait de déterminer les conditions dans lesquelles le distilbène a été délivré et les conséquences de la délivrance et de la prise de ce médicament.
Actuellement, six procédures sont en cours afin que soit reconnue la responsabilité du laboratoire UCB PHARMA et qu'un nouveau collège d'experts puisse recenser et quantifier les différents préjudices subis par les victimes.
Ainsi, le tribunal pourra être saisi aux fins d'indemnisation du DES.
Les mères et les filles ont-elles intérêt à se porter massivement partie-civile ?
Se constituer partie civile suppose qu'une procédure pénale soit initiée.
Tel n'est pas le cas puisque l'ensemble des procédures qui sont actuellement en cours devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre sont des procédures purement civiles.
Il faut encourager les fille DES à saisir la juridiction compétente.
D'abord pour faire acte de citoyen responsable et faire part de leur désarroi devant les conséquences dramatiques de la délivrance d'un produit insuffisamment analysé.
Ensuite parce qu'il est juste et équitable pour l'ensemble des victimes de pouvoir prétendre à la réparation d'un préjudice dès lors que celui-ci aura été établi.
L'association devrait-elle se constituer partie-civile ?
Sous les réserves rappelées ci-dessus sur les constitutions de partie civile, l'association doit évidemment soutenir l'ensemble des victimes dans la nécessaire information sur les procédures à engager. Elle ne peut toutefois juridiquement intervenir dans ces procédures puisqu'elle ne présente pas d'intérêt à agir.
Quelles sont les pièces qui font preuve ?
Celles qui démontrent la prise du distilbène par les mères des victimes pendant leur grossesse.
Celles qui justifient des conséquences médicales pour les jeunes victimes notamment compte-rendu d'intervention, suivi et justificatifs des situations actuelles.
La pièce maîtresse des dossiers consiste dans le rapport du collège des experts désigné par le Tribunal de Grande Instance de Nanterre et dont les conclusions permettent aujourd'hui d'engager des actions devant le Tribunal aux fins de voir retenir la responsabilité du laboratoire UCB PHARMA.
Quel serait le coût d'une telle action judiciaire ?
Tout dépend de l'ampleur prise par les affaires. En ce qui concerne les frais d'expertise, ils seront vraisemblablement mis à la charge du laboratoire, comme lors des premières procédures.
La première victime a dû faire face à des frais de traduction très élevés lors de la constitution de la bibliographie. Ces travaux étant désormais réalisés, le collège d'experts ayant déposé un rapport complet et circonstancié, ces frais ne sont plus à renouveler.
Les seuls frais à envisager actuellement concernent donc la rémunération des honoraires d'avocat puisque les frais de procédure seront mis à charge du laboratoire si nous gagnons le procès.
Il sera possible de signer une convention d'honoraires permettant de verser des provisions limitées pour couvrir les honoraires de postulation d'un avocat sur place.
S'agissant de l'avocat plaidant, il pourra être rémunéré dans le cadre d'une convention d'honoraires fixée par le Conseil de l'Ordre et correspondant à un pourcentage à percevoir sur les dommages et intérêts qui seront alloués au terme de la procédure.
Si les victimes obtiennent satisfaction, les frais d'avocat seront finalement pris en charge par le laboratoire pour une grande partie voire la totalité.
Pour les personnes qui justifient de faibles revenus, il est possible de déposer un dossier d'aide juridictionnelle partielle ou totale.
Quoi qu'il en soit, la crainte de s'engager dans des frais trop importants ne doit pas être un obstacle à la manifestation de la justice.
On pourra utilement prendre contact avec l'association pour tout renseignement complémentaire.
LA SITUATION AUX PAYS-BAS
En 1986, six "filles DES" portent plainte contre les dix plus importants laboratoires, ayant commercialisés le DES, car aucune ne peut prouver que le DES qu'avait pris sa mère provenait de tel fabricant.
L'affaire ira jusqu'en cours de Cassation. En octobre 1992, celle-ci déclare responsables tous les fabricants du DES existants encore.
Aujourd'hui, l'action en justice aux Pays-Bas se termine sur la convention d'un règlement des dommages causés par le DES par les anciens fabricants du DES et leurs assureurs.
Un fonds de dédommagement doté de 76 millions de florins (226 millions de francs) servira donc à payer les dommages des affections dont les recherches médicales et scientifiques ont montré qu'elles étaient provoquées par le DES.
Avec DES Action Pays-Bas, les parties se sont mises d'accord pour qu'une fondation soit chargée de la gestion de ce fonds et soit le seul organisme légal auprès duquel les réclamations seront faites. Cette fondation sera constituée dès que les modalités de sa gestion seront établies.
Pour bénéficier d'un dédommagement, les mères ou les filles devront prouver qu'elles ont été exposées au DES et qu'elles en ont subi des conséquences. Les dommages seront classés par catégorie correspondant à une prestation définie.